Faire évoluer nos habitudes de mobilité n’est pas chose facile. Marcher davantage, pédaler plus, utiliser les transports en commun ou encore partager sa voiture, sont autant de comportements vertueux en matière de déplacements. Alors comment nous y inciter sans nous contraindre ? C’est là qu’entre en jeu le « nudge ».
En pratique, le nudge consiste à influencer sans obliger ni sanctionner, pour faire adopter des gestes plus sûrs et plus durables. Ces petites interventions, bien souvent amusantes et décalées, transforment l’expérience quotidienne de nos trajets. Alors, pourquoi le nudge séduit-il autant dans le domaine des mobilités, et quels bénéfices en attendre ?
Qu’est-ce qu'un nudge ?
Marquages ludiques au sol, passages piétons en trompe-l’œil, « mâchoires » peintes sur les portes de train, ces petits « coups de pouce » portent un nom : le nudge.
Ces incitations discrètes ont pour objectif d’attirer notre attention en jouant avec notre environnement lors de nos trajets. Ces mesures simples et peu couteuses, influencent notre façon d’agir, sans que nous en soyons toujours bien conscients.
Pourquoi ? Tout simplement parce que nous ne sommes pas toujours rationnels ou logiques dans nos choix. En effet, nos comportements dépendent le plus souvent de nos habitudes et de nos automatismes. Alors pour les infléchir, la solution passe quelques fois par une petite incitation discrète, tels qu’un nouvel aménagement ou un signal visuel. De quoi nous interpeller pour nous faire changer !
Pour s’assurer de l’intérêt du nudge dans un contexte donné (car les nudges ne s’appliquent pas uniquement à la mobilité !), il est important de vérifier quelques éléments en se posant les questions suivantes :
- Quels besoins (comportements problématiques ou situations à améliorer) avons-nous observé ?
- Existe-t-il des nudges connus (visuels ou sonores) intéressants de reproduire dans le contexte local ?
- Pouvons-nous expérimenter, à petite échelle, cette solution pour en mesurer l’impact réel sur les usagers ?
- Si le test est concluant, comment déployer largement le dispositif ?
Le nudge en matière de mobilité : pourquoi c’est efficace ?
La mobilité est un terrain de jeu particulièrement intéressant pour le nudge. Le fait de se déplacer implique en effet de nombreux comportements et interactions : respect des règles de sécurité, choix du mode de transport, cohabitation entre les différents usages… De ce point de vue, le nudge est tout indiqué pour :
- améliorer la sécurité, en induisant des comportements plus respectueux pour réduire les risques,
- encourager des alternatives de mobilité durable (marche, vélo, covoiturage, transports collectifs…).
La preuve avec quelques exemples concrets d’aménagements :
Pour fluidifier les trajets en transports en commun et limiter les retards liés à l’affluence, la SNCF a opté pour une réponse originale en représentant des dents sur les portes du RER E. La fermeture des portes évoque une “mâchoire qui se referme”. Le message est clair et prête à sourire : attention, à la fermeture des portes.
Pour s’orienter plus facilement dans les gares ou les stations de métro, de nombreux réseaux ont innové avec des marquages au sol ludiques en forme de marelles, d’empreintes de pas ou de lignes colorées qui rappellent les plans de transports. L’information devient intuitive, en plus d’être efficace.
Pour se signaler avant de traverser à un passage de piéton, plutôt que d’appuyer mécaniquement sur le bouton, certaines villes ont installé un « poing » qu’il faut checker pour que le feu piéton passe au vert. Une bonne façon de patienter !
C’est dans cette démarche que Mon trajet vert s’inscrit pour sensibiliser les étudiants à la mobilité durable. Aux antipodes des injonctions en matière de transports, les animations déployées sur les campus ont précisément pour but de favoriser l’engagement des jeunes en les incitant à faire évoluer leur façon de se déplacer.
Les bénéfices directs et indirects du nudge
Si le nudge séduit autant, c’est parce qu’il produit des effets positifs à plusieurs niveaux.
Tout d’abord, sur le plan environnemental puisqu’il incite les utilisateurs à se tourner vers les mobilités actives. Un marquage au sol, qui rend le chemin piéton plus attractif, encourage concrètement à marcher plutôt qu’à prendre la voiture.
Le nudge participe aussi à améliorer la sécurité : de nombreux dispositifs ont été pensés pour réduire les accidents. Les signalétiques en 3D, par exemple, abaissent la vitesse moyenne des conducteurs ou incitent les usagers à être plus vigilants dans la zone traversée.
Autre avantage du nudge : il permet d’optimiser les infrastructures grâce à de simples stickers ou peintures, moins chers que des travaux lourds de réaménagement. Une solution économique donc pour fluidifier ou sécuriser la circulation.
Enfin, il est clair que le nudge est source de convivialité dans l’espace public. En jouant à la marelle dans une gare, en checkant un bouton piéton, ou en suivant des empreintes de pas, l’environnement devient à la fois plus agréable et plus humain.
Un outil puissant, surtout en combinaison avec d’autres
Véritable levier, le nudge nécessite parfois de s’inscrire en complémentarité avec d’autres actions, et notamment :
Des infrastructures de qualité | Des incitations économiques | Un cadre de sécurité renforcé |
Un marquage ludique ne suffit pas si la piste cyclable est inexistante ou en mauvais état. | A l’instar de primes pour l’achat de vélos électriques, tarifs attractifs pour les transports en commun… | Ralentir grâce à un trompe-l’œil, c’est un très bon réflexe, mais cela doit s’accompagner d’un véritable aménagement routier cohérent pour tous les usages |
L’objectif du nudge est donc d’amplifier l’efficacité de ces mesures. En quelques mots, une prime vélo incite à l’achat, et un marquage au sol intuitif sur une piste cyclable incite à l’utilisation. Les deux combinés augmentent les chances de transformer durablement les habitudes de mobilité.
Crédit photo : Jean-Baptiste Gurliat / Ville de Paris